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Information scientifique
Lectures

Celso Castro, Vitor Izecksohn et Hendrik Kraay (org.), Nova História Militar Brasileira

Rio de Janeiro, Editora FGV, 2004, 460 p.
Sílvia Capanema P. de Almeida
p. 249-252
Référence(s) :
Celso Castro, Vitor Izecksohn et Hendrik Kraay (org.), Nova História Militar Brasileira, Rio de Janeiro, Editora FGV, 2004, 460 p.

Texte intégral

1Nova História Militar Brasileira, une publication organisée par Celso Castro, Vitor Izecksohn et Hendrick Kraay, entend donner un nouveau sens à la recherche sur les institutions militaires brésiliennes en histoire et en sciences humaines. Tout d’abord, les auteurs souhaitent rompre avec une histoire traditionnelle centrée sur la narration des batailles et la biographie des « grands hommes » et réalisée par des « historiens militaires », c’est-à-dire des officiers des Forces armées. Au Brésil, l’affirmation de l’histoire militaire en tant que sujet de recherche universitaire fut également difficile. Dans la deuxième moitié du XXe siècle, la consolidation du métier de l’historien corrélative à l’expansion des universités coïncida avec l’intensification du mouvement militaire dans le domaine politique. De 1964 à 1985, la dictature militaire découragea substantiellement les recherches sur les Forces armées. D’autre part, pendant longtemps, les études sur l’univers militaire restèrent tributaires de lectures marxistes ou d’analyses favorisant le rôle politique des Forces armées. Ces études n’étaient justifiées que dans la mesure où elles proposaient une analyse des rapports entre les militaires et le cadre politique ou entre les structures de classes et les institutions militaires.

2Entendant rompre avec ces analyses, brièvement présentées dans l’introduction de l’ouvrage, Nova Historia Militar Brasileira rassemble des études qui ont su mettre en évidence les rapports entre les institutions et leurs contextes de formation et d’existence. Ces dixsept articles, écrits par des auteurs brésiliens ou brésiliannistes, sont autant de nouvelles propositions de recherche visant à comprendre l’interaction des Forces armées et de la société. Une nouveauté quand on songe au mépris avec lequel les Brésiliens ont considéré l’Armée depuis la fin de la dictature militaire. Les institutions de la nouvelle République, les mouvements et les organisations de la société civile se sont construits en opposition au régime militaire. Aussi, pendant les deux décennies qui ont suivi le retour à la démocratie, la recherche sur les Forces armées ne suscita que peu d’intérêt parmi les historiens. La parution de Nova História Militar signe l’inversion de cette tendance et permet au lecteur de suivre le regain d’intérêt pour les questions militaires dans le Brésil contemporain.

  • 1 Il faut signaler ici que récemment le gouvernement du président Lula a autorisé l’ouverture des ar (...)

3Publié en 2004, soit quatre décennies après le coup d’État, cet ouvrage marque également une étape dans l’accès aux sources militaires. Les perspectives d’analyse ayant été modifiées à mesure de l’ouverture des archives1, les auteurs ouvrent l’histoire militaire à de nouveaux objets tels que l’origine sociale des membres des Forces armées, les liens de sociabilité, le rapport entre les hiérarchies, la punition à bord. Ils entendent également revisiter l’étude de la participation des forces armées au combat et à la guerre eux-mêmes. Très influencé par les travaux réalisés dans le monde anglosaxon, l’ouvrage fait du domaine militaire un nouveau champ d’action de l’histoire sociale. Certains travaux présentent le quotidien et la construction des identités dans les institutions militaires. Dans « Recrutamento militar no Rio de Janeiro durante a Guerra do Paraguai », Vitor Izenksohn analyse les questions liées au recrutement, aux rapports sociaux et à l’esclavage dans la province de Rio de Janeiro. Une perspective similaire sous-tend l’article de Hendrik Kraay, « O cotidiano dos soldados na guarnição da Bahia (1850-1889) », qui analyse les soldats en tant que groupe et interroge les rapports quotidiens établis entre eux. Gardant la même optique mais travaillant sur un autre univers, peu exploité jusqu’à nos jours, l’article de Álvaro Pereira do Nascimento, « Entre o convés e as ruas : vida de marinheiro e trabalho na Marinha de Guerra (1870-1910) », analyse l’impact de la discipline et de l’expérience quotidienne sur l’identité et la conscience de groupe.

4Toujours dans la lignée des études anglo-américaines, l’ouvrage présente des recherches dédiées au genre, à la construction de l’identité masculine et à l’homosexualité tel « Ser homem pobre, livre e honrado : a sodomia e os praças nas Forças Armadas brasileiras (1860-1930) » de Peter M. Beattie. Dans « Mulheres, homossexuais e Forças Armadas no Brasil », Maria Celina D’Araújo s’interroge quant à elle sur la participation des femmes parmi les conscrits ; elle analyse les différents paradigmes présidant à l’incorporation des femmes et des homosexuels dans l’Armée brésilienne.

5L’étude des pratiques de guerre et des stratégies constitue un troisième axe problématique. Écrit par Pedro Puntoni, le premier article de l’ouvrage, « A arte da guerra no Brasil : tecnologia e estratégias militares na expansão da fronteira da América portuguesa (1550-1700) », analyse les différences entre la pratique de la guerre dans les territoires de la colonie brésilienne (la guerra brasílica) et en Europe. De même, dans « A ocupação político-militar brasileira do Paraguai (1869-1976) », Francisco Fernando Monteoliva Doratioto analyse le conflit du Paraguai à partir des rapports diplomatiques brésiliens, tandis que Cesar Campiani Maximiano propose dans « Neve, fogo e montanhas : a experiência brasileira de combate na Itália (1944-1945) » de revisiter l’action de l’Armée brésilienne dans la Seconde Guerre mondiale en insistant sur le fait de guerre et les difficultés du quotidien des soldats du corps expéditionnaire brésilien (la FEB) en Italie.

6La FEB est également l’objet d’étude de Francisco César Alves Ferraz qui analyse le retour au Brésil de la division, la menace politique qu’elle représentait ainsi que les attentes des ex-combattants et la question de la réinsertion dans « Os veteranos da FEB e a sociedade brasileira ». Une même analyse des dimensions politique et sociale du corps militaire caractérise l’article de Fábio Farias Mendes, « Encargos, privilégios e direitos : o recrutamento militar no Brasil dos séculos XVIII e XIX » et celui de Celso Castro, « Revoltas de Soldados contra a República ». Consacré à la protestation des certains soldats contre l’installation de la République au Brésil, ce dernier retravaille la notion d’orientation politique à l’intérieur des forces armées.

7La punition et les violences sont le sujet d’autres travaux. À partir de l’exemple du bateau-prison presiganga, Paloma Siqueira Fonseca pose la question des limites entre mondes militaire et civil sous les périodes de Dom João VI et Dom Pedro I dans « A presiganga e as punições da Marinha (1808-1831) ». Dans « A profissionalização da violência extralegal das Forças Armadas no Brasil, 1945-1964 », Shawn C. Smallman poursuit la réflexion sur la violence et les tortures au sein de l’Armée pendant l’intermède démocratique des années 1945-1964.

8En dépit du désir manifeste des organisateurs, l’économie générale de l’ouvrage n’est pas directement liée aux axes thématiques définis dans l’introduction. Les articles se suivent dans un ordre chronologique et couvrent la quasi-totalité de l’histoire du Brésil alors que les organisateurs n’envisagent ni une lecture linéaire, ni une lecture exhaustive de la question. Pourquoi ne pas aller plus avant en proposant, par exemple, des regroupements thématiques d’articles ? D’autre part pourquoi calquer le renouveau de l’histoire militaire brésilienne sur les études anglo-américaines ? La volonté manifeste des organisateurs d’établir un dialogue entre la recherche sur les questions militaires aux États-Unis et au Brésil invite les chercheurs américanistes, européens ou formés par l’historiographie française, à prendre position sur ce terrain. Tout en gardant de nouvelles perspectives et en exploitant des archives inédites, ces études permettraient à une nouvelle histoire militaire brésilienne d’émerger, dans le dialogue, et non l’imitation, entre des traditions historiographiques divergentes et la réalité d’un terrain encore peu exploité.

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Notes

1 Il faut signaler ici que récemment le gouvernement du président Lula a autorisé l’ouverture des archives militaires encore sécrètes sur la persécution, les tortures et les morts pendant le régime militaire. Les archives seront transférées aux Archives nationales et consultables à partir du 1er janvier 2006. Cependant, ne seront accessibles à la consultation que les documents datés jusqu’à 1975.

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Pour citer cet article

Référence papier

Sílvia Capanema P. de Almeida, « Celso Castro, Vitor Izecksohn et Hendrik Kraay (org.), Nova História Militar Brasileira »Cahiers des Amériques latines, 48-49 | 2005, 249-252.

Référence électronique

Sílvia Capanema P. de Almeida, « Celso Castro, Vitor Izecksohn et Hendrik Kraay (org.), Nova História Militar Brasileira »Cahiers des Amériques latines [En ligne], 48-49 | 2005, mis en ligne le 15 août 2017, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cal/7974 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cal.7974

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Auteur

Sílvia Capanema P. de Almeida

Université Paris X-Nanterre / EHESS

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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