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Lectures

Francisco Doratioto, Maldita guerra

Buenos Aires, Emecé Historia, 2004, 656 p.
Boris Reith
p. 252-253
Référence(s) :
Francisco Doratioto, Maldita guerra, Buenos Aires, Emecé Historia, 2004, 656 p.

Texte intégral

  • 2 En dépit d’une autre guerre, historiographique cette fois, concernant le bilan humain du conflit.
  • 3 Doratioto évoque également les archives du Foreign Office à Londres, ainsi que des documents conse (...)

1La guerre du Paraguay, également connue sous le nom de guerre de la Triple Alliance ou de Guerra grande, a opposé le Paraguay à une coalition formée par le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay entre 1864 et 1870. C’est jusqu’à nos jours le conflit le plus meurtrier qu’ait connu l’Amérique du Sud, avec environ un million de morts et une escalade de la violence inattendue pour les dirigeants en place à l’époque2. Les causes de la guerre furent diverses : les conflits frontaliers datant de l’époque coloniale et de la rivalité entre l’Espagne et le Portugal, l’invasion de l’Uruguay par le Brésil pour protéger ses intérêts et favoriser la prise de pouvoir d’un gouvernement allié (octobre 1864), les sentiments anti-brésiliens du président paraguayen Francisco Solano Lopez ou encore l’occupation inattendue de la province argentine de Corrientes par les troupes paraguayennes (avril 1865). L’ouvrage de Doratioto, dont la première édition est parue en portugais en 2002, est tout d’abord remarquable du fait de la richesse et de la quantité des sources exploitées. Outre l’abondante bibliographie, l’auteur s’appuie en effet sur un énorme travail d’archives effectué au Brésil (et notamment au palais Itamaraty de Rio où le fonds consacré à la guerre du Paraguay a récemment été ouvert par le gouvernement du président Lula), en Argentine, en Uruguay, au Paraguay, en Espagne, au Portugal et même au Vatican3. Il en résulte des découvertes surprenantes, quelquesunes allant à l’encontre des histoires officielles de cette guerre et d’autres proposant des réponses à quelques questions qui n’étaient pas élucidées jusqu’à présent. Nourri de nombreuses cartes et photographies, ainsi que d’une chronologie précise et particulièrement utile, ce livre s’attache donc à défaire un certain nombre de mythes entourant ce conflit et décrit aussi bien le contexte historique régional et international que les origines du conflit, la dure routine des soldats envoyés au front aussi bien que les relations conflictuelles entre les pays alliés.

  • 4 Cf. par exemple León Pomer, La guerra del Paraguay : gran negocio, Buenos Aires, Calden, 1968.

2En dépit des multiples travaux déjà réalisés sur la guerre du Paraguay, le livre de Doratioto revient utilement sur les prémices de la guerre et les désaccords diplomatiques entre les différents pays. Il souligne par exemple l’aspect cyclique des relations de confiance entre les deux grands pays que sont l’Argentine et le Brésil et le fait que le Paraguay prône déjà depuis quelque temps un autre équilibre régional basé sur un axe Asunción-Montevideo. À cette époque, en effet, le Paraguay n’est déjà plus pas un pays riche et développé ainsi que le prétendaient plusieurs travaux, mais un pays en crise qui vit dans une relative autarcie. Sa puissance régionale est avant tout militaire : alors que le Paraguay compte à peu près 80 000 hommes entraînés en 1864, le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay réunis n’ont environ que 35 000 hommes. Au chapitre des révisions historiographiques les plus notables, Doratioto réévalue l’efficacité de chefs militaires comme Mitre, alors président de l’Argentine, ou Tamandaré et Caxias, les deux grands personnages militaires brésiliens du conflit. Il revient également sur l’action des diplomates anglais lors de la pacification de l’Uruguay au tout début du conflit en 1864. Alors qu’un leitmotiv affirmait que les Anglais, bien implantés économiquement dans les quatre pays belligérants, avaient voulu cette guerre pour réaliser des bénéfices commerciaux4, l’auteur démontre le contraire. Refusant de voir en Francisco Solano Lopez le héros anti-impérialiste que l’on présenta parfois, il attaque aussi vivement des auteurs tels que le Paraguayen Juan O’Leary qui firent de cette guerre une épopée patriotique, affirme que le Paraguay est loin d’avoir perdu un million de personnes et propose plutôt le chiffre de 450 000 morts. Ce livre éclaire, ouvre des portes et raconte de façon entraînante comment des pays d’Amérique du Sud, indépendants et souverains, ont pu se laisser aller à une telle escalade de la violence. Cette étude de la guerre du Paraguay fait partie des travaux les plus aboutis sur le sujet, tout autant accessible aux lecteurs non initiés qu’importante pour les historiens spécialistes de cette période toujours mal connue de l’histoire sud-américaine.

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Notes

2 En dépit d’une autre guerre, historiographique cette fois, concernant le bilan humain du conflit.

3 Doratioto évoque également les archives du Foreign Office à Londres, ainsi que des documents conservés aux États-Unis.

4 Cf. par exemple León Pomer, La guerra del Paraguay : gran negocio, Buenos Aires, Calden, 1968.

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Pour citer cet article

Référence papier

Boris Reith, « Francisco Doratioto, Maldita guerra »Cahiers des Amériques latines, 48-49 | 2005, 252-253.

Référence électronique

Boris Reith, « Francisco Doratioto, Maldita guerra »Cahiers des Amériques latines [En ligne], 48-49 | 2005, mis en ligne le 15 août 2017, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cal/7979 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cal.7979

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Auteur

Boris Reith

Université Paris III-IHEAL

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

Le texte seul est utilisable sous licence CC BY-NC-ND 4.0. Les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont « Tous droits réservés », sauf mention contraire.

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