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Lecture

Droulers, Martine, Brésil : une géohistoire

Paris, PUF, 2001, 306 p.
Laurent Vidal
p. 169-170
Référence(s) :
Droulers, Martine, Brésil : une géohistoire, Paris, PUF, 2001, 306 p.

Texte intégral

1En 1845, répondant à une question de l’Institut historique et géographique du Brésil (IHGB) : « comment doit-on écrire l’histoire du Brésil ? », le naturaliste allemand Karl Philip von Martius préconisait notamment, outre la lecture des sources et ouvrages de références, le recours aux voyages afin de se rendre compte sur place de la diversité des réalités régionales. C’est à cet exercice que s’est livrée, un siècle et demi plus tard, Martine Droulers. Sa Géohistoire du Brésil est fruit d’une double connaissance, de cabinet et de terrain. Partant de l’idée que l’histoire du Brésil est d’abord l’histoire d’une conquête – celle de l’espace donné aux Portugais à Tordesillas en 1494 –, l’auteur se propose de « déceler les logiques particulières de la configuration du territoire [brésilien] sous ses formes les plus durables ».

2Cet ouvrage jette opportunément un pont entre deux lectures du Brésil propres aux sciences sociales françaises : d’une part celle de géographes comme Pierre Monbeig et Hervé Théry, qui ont tous deux consacré un chapitre de leur Brésil respectif à la formation de l’archipel brésilien ; et celle d’un historien comme Frédéric Mauro, nourri de la géohistoire braudélienne.

3Puisant abondamment à ces deux sources, Martine Droulers construit pas à pas une passionnante « géographie rétrospective » (Roger Dion) du Brésil. Redonnant vigueur aux thèses du célèbre historien portugais, Jaime Cortesão, selon lequel le Brésil est le fruit d’une stratégie d’État, l’auteur se refuse toutefois à réduire la formation de l’espace brésilien à la seule action des autorités centrales. L’auteur fait en effet sien un autre postulat de von Martius, selon lequel l’histoire du Brésil ne peut s’écrire que par régions ; régions qui, pour être réunies sous le même territoire national, n’en partagent pas moins des histoires et des destins différents. Montrant tour à tour les simples juxtapositions (« le territoire égratigné », « une occupation en archipel ») puis les enchâssements (« le maillage du territoire »), Martine Droulers prend garde à ne laisser dans l’ombre aucune région, fut-elle la plus excentrée. Trop longtemps en effet l’historiographie avait privilégié l’action des forces centrifuges à l’œuvre dans la construction territoriale du Brésil, n’accordant qu’une place anecdotique aux forces centripètes, telles que la cabanagem (1835-1840), ce mouvement indépendantiste et réformiste, dont on n’a pas encore suffisamment montré combien elle a déferlé sur tout le nord du Brésil, suscitant espoirs et peurs, dessinant une césure durable entre unionistes et séparatistes, entre légitimistes et réformistes.

4Animée d’un réel souci didactique, Martine Droulers a doté son ouvrage d’un bel appareil cartographique (45 cartes), de nombreux tableaux, d’index (à noter la présence d’un index thématique), et d’une solide bibliographie. Véritable manuel de référence, il est composé de six chapitres qui balayent les grandes étapes de sa configuration territoriale du Brésil depuis sa « découverte » : « Le nouveau monde des Portugais », « Le territoire égratigné », « Le système colonial : une occupation en archipel », « La modernité émergente d’un pays continent », « L’aquarelle de la brésilianité », « Le projet national et ses contradictions spatiales ». Un manuel certes, mais aussi un essai, une tentative d’explication des enjeux contemporains de la géopolitique brésilienne. Constatant que « la frontière se ferme », rendant caduc à court ou moyen terme un usage prédateur de l’espace, Martine Droulers termine sur une note d’espoir : « Le Brésil semble en passe d’adopter et de faire respecter des normes de gestion des territoires, tant pour les espaces littoraux que pour l’Amazonie ». Bref, après l’âge de la « géophagie » voici le Brésil s’apprêtant à entrer dans celui de la « géosophie »…

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Pour citer cet article

Référence papier

Laurent Vidal, « Droulers, Martine, Brésil : une géohistoire »Cahiers des Amériques latines, 41 | 2002, 169-170.

Référence électronique

Laurent Vidal, « Droulers, Martine, Brésil : une géohistoire »Cahiers des Amériques latines [En ligne], 41 | 2002, mis en ligne le 08 août 2017, consulté le 28 mars 2024. URL : http://journals.openedition.org/cal/7114 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cal.7114

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Auteur

Laurent Vidal

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Droits d’auteur

CC-BY-NC-ND-4.0

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